Sainte-Foy-la-Grande | 33
Qu’est-ce qui pourrait redynamiser notre centre-ville ? C’est la question posée par quelques familles de la commune rurale de 2500 habitants à tous ses habitants. Résultat : les projets affluent et le collectif à l’initiative se structure. Dix ans après, les activités se sont développées tout en restant fidèles à la méthode qui consiste à dire à chaque porteur de projet « on va tout faire pour rendre possible votre idée ».
À 70 kilomètres de Bordeaux, à la porte du Périgord, bastide au passé riche et dynamique, Sainte-Foy-la-Grande (Gironde), voyait son centre-ville se vider de ses activités commerciales, économiques et culturelles ; nous sommes dans les années 2010. C’est alors qu’un projet de centre commercial prend forme en lisière de la ville entraînant la réaction des habitants. Patricia Juthiaud, est parmi les personnes qui se mobilisent : « le centre commercial était surdimensionné, il allait avaler comme toujours l’économie et l’énergie du centre bourg. Nous n’aurons pas gain de cause, mais cela nous a permis de nous poser la question - Qu’est ce qui pourrait redynamiser notre centre-ville ? - et de la formuler auprès des habitants. On a recueilli quarante projets la première année, 36 la seconde… Certains étaient notés sur un post-it, d’autres étaient bien plus élaborés. On les a classés en 4 catégories : l’événementiel, l’économie, le social, et la culture et on a mis en place les projets ».
L’association passe à l’action
Ainsi naît en 2012 l’association « Cœur de Bastide » avec pour objet d’accompagner les projets des habitants, des associations et des professionnels du Pays Foyen dans le but de redynamiser le centre-ville. Trois ans plus tard, devant le succès de cette mobilisation, 21 familles de Sainte-Foy-la-Grande, soit 17 personnes décident d’acquérir un local en centre-ville pour faire vivre ce projet formant alors une SCI : « La Citoyenne ». L’immeuble de 750 m², aujourd’hui propriété de l’association, a pour vocation d’héberger le tiers lieu à forte dimension sociale. « Chaque jour, nous recevons une centaine de personnes et nous y avons développé de nombreuses activités telles qu’un service d’écrivains publics, de l’accompagnement scolaire, des cours de français pour les migrants, une fabrique du numérique aujourd’hui aidée par le département, un campus connecté qui donne la possibilité de reprendre ses études en étant accompagné sur place par une tutrice…», résume Patricia, aujourd’hui membre du Conseil d’Administration et bénévole.
… « nous sommes des professionnels… de l’accueil et de l’écoute »
Pour ses multiples accompagnements, l’association dispose de 7 salariés, de stagiaires, services civiques, de 120 bénévoles (soit au total, l’équivalent d’une douzaine de personnes à temps complet ) pour une association comprenant plus de 400 membres. « Comme je le dis avec humour, nous sommes des professionnels de rien sauf de l’accueil et de l’écoute ce qui permet aux personnes qui entrent ici de se sentir bien et surtout de se dire qu’elles vont être accompagnées quel que soit leur projet, … On va tout faire pour le rendre possible. Je me souviens d’une personne qui, un jour, a dit : « quand j’ai franchi la porte, j’ai su que c’était possible ».
Une connaissance du territoire et des acteurs permet d’aller vite
Plus en lien aujourd’hui avec les collectivités et les administrations, notre interlocutrice ne cache pas que la relation n’a pas été toujours facile : « Si cela s’arrange, l’association a été vue souvent comme une concurrente. La connaissance du territoire et les liens noués par celle-ci permettent d’aller vite dans les démarches…Et si l’association trouve un frein qui l’empêche d’intervenir, à titre individuel, on peut intervenir, seul… C’est cela aussi la citoyenneté, elle peut se mettre en route à tout moment sans entraves administratives. Notre plateforme numérique de solidarité a pu connaître des blocages, mais notre réactivité individuelle est passée au-delà…»
La culture… avec « les Réclusiennes »
La culture fait aussi partie des activités de l’association depuis sa création. Le festival « les Réclusiennes » -en hommage à Elisée Reclus, né dans la cité- va ainsi fêter ses 10 ans, cette année. Il rassemble tous les étés, des universitaires et des citoyens autour de sujets proches de l’œuvre du célèbre géographe et théoricien ; la plupart des invités sont logés dans la commune. « Cela a participé à donner une autre image de la ville qui, souvent, est mise en avant par rapport au niveau social de ses habitants. Cette année, le festival s’interroge sur l’évasion sous l’intitulé : « Évadons-nous ! » Exposition, rencontres, échanges, films, musique sont au programme avec une première journée festive consacrée uniquement aux habitants de la commune ».
… et la « petite librairie »
De même, au sein du Tiers Lieu, la culture est présente depuis quelques années avec « la petite librairie », le résultat d’un partenariat avec « la Colline aux livres », une librairie de Bergerac. Entièrement animée par des bénévoles, elle propose des ouvrages, mais aussi des animations auprès des écoles, des rencontres avec les auteurs. « C’est un fonctionnement qui a son public et qui existe avec l’idée d’un repreneur… car il n’y a pas d’autres librairies dans la ville ».
Des projets … et toujours la même méthode d’action
Les projets de « Cœur de Bastide » sont nombreux pour l’avenir, notamment autour d’un projet d’économie sociale et solidaire tourné vers le recyclage. « On garde pour cela la même méthode qui consiste à écouter, à se poser la question « où est la ressource ? » pour faire avancer le projet dont la commune a besoin, mais aussi en veillant à ce que ceux qui accompagnent les projets se sentent responsables, mais jamais seul » conclut avec enthousiasme notre interlocutrice.
Les trois coups ! Selon Patricia Juthiaud
> Coup de chapeau : « À l’ensemble des professeurs à la retraite qui viennent donner de leur temps et trouvent de belles choses dans l’accompagnement scolaire.»
> Coup de main : « Je pense qu’à chaque fois que l’on donne de son temps, que l’on donne un coup de main… que l’on écoute une personne, cela tisse une relation de non-violence ».
> Coup de projecteur : « Sur les événements petits et grands de notre territoire, afin que l’on reprenne la route du théâtre, de la kermesse de l’école… tout ce qui amène de la vie sur un territoire et en y allant, on donne des signes de reconnaissance à ceux qui proposent et c’est important.»
En savoir plus : - Association Cœur de Bastide : https://www.coeurdebastide.com/
- Campus : https://www.coeurdebastide.com/campus-connect%C3%A9/
- Le festival « les Réclusiennes : https://www.reclusiennes.com/