Toulouse | 31
Sensibiliser les consommateurs sur la fabrication des vêtements, faire pression sur les marques et interpeller les élus sur les conditions de travail et les salaires des travailleurs des pays du Sud, telles sont les missions de ce collectif agissant en local, relayant le combat mené au niveau français et au-delà.
Créé en 1995, le Collectif Éthique sur l’étiquette (ESE) mène au niveau national des campagnes de sensibilisation auprès du grand public sur la fabrication des vêtements et interpelle les entreprises pour les amener à prendre des mesures garantissant le respect des droits humains au travail, tout au long de leurs chaînes de production.
Ce collectif aujourd’hui constitué en association (loi 1901) regroupe des syndicats, des associations de solidarité internationale, des mouvements de consommateurs et des associations d’éducation populaire.
Agir à l’international mais aussi au niveau local
Il s’appuie également sur un réseau de collectifs locaux dont celui de la Haute-Garonne mis en place en 2009 : « Quand la coordinatrice nationale du Collectif ESE est venue à Toulouse voici 15 ans, elle a présenté l’association en évoquant la production de vêtements dans les pays du sud, et plus particulièrement les conditions de travail des ouvrières du textile au Cambodge. Il nous a paru alors naturel, par rapport à nos actions menées au sein de l’ONG CCFD Terre solidaire* dans ces pays du Sud, d’agir et de sensibiliser les consommateurs du Nord en créant un Collectif local » raconte Anne-Marie Viguié, à la retraite, membre de l’ ONG et référente du collectif ESE toulousain.
Des actions de rue pour dénoncer…
Localement le collectif est structuré, lui aussi, à partir de groupements ou d’associations tels que la CCFD Terre solidaire, Artisans du monde 31, la CFDT ASSECO (asso-Consommateurs), Oxfam 31… et de particuliers. Les actions de rue font partie de leur outil principal pour dénoncer les conditions de production. « Nous essayons de coller à des évènements comme la coupe du monde de football, une période où les consommateurs vont vouloir acheter un maillot, des chaussures de sport chez Nike ou Adidas… Dernièrement, le 15 avril, nous étions dans la rue aussi pour faire écho à l’effondrement du Rana Plaza au Bengladesh voici dix ans.»
… en prenant place devant les enseignes peu ou pas éthiques
Le rituel choisi est toujours le même, il s’agit de prendre place avec le collectif devant les enseignes de magasins Zara ou H&M, Celio … dénoncées comme peu ou pas éthiques. « On explique aux consommateurs avec des chiffres à l’appui, le coût de fabrication, ce que reçoit l’ouvrière, le coût du transport, et on démontre que la marge la plus importante revient à la marque. Au tout début, les personnes étaient touchées fortement par nos propos. Même les enseignes, les dirigeants sortaient dans la rue. Aujourd’hui, les gens savent et notre information circule sans gêne »
Relayer l’action nationale des plaidoyers
Former, informer, distribuer des tracts,… le collectif ne se laisse pas impressionner même lorsqu’il s’agit d’aller porter des pétitions d’intérêt national auprès des responsables de magasin, des représentants locaux parlementaires ou élus européens : « Au niveau national, l’association élabore des plaidoyers que nous relayons localement. Actuellement une directive européenne se prépare s’inspirant de la loi** sur le devoir de vigilance, mais ce n’est pas facile de faire bouger les lignes malgré l’engagement des diverses organisations, syndicats… Agir au local, agir au global certes, mais la loi est indispensable pour que cessent ces pratiques demain.»
… « Et quelle est la part de l’écologie et du social au sein du Collectif ? »
« L’association milite pour les conditions de travail et de salaire, en mettant en avant le salaire vital permettant la satisfaction des besoins fondamentaux du travailleur. Elle s’appuie sur la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), le respect des droits sociaux fondamentaux issus des conventions de l’OIT***… Sur le plan écologique, c’est plus récemment que nous agissons sur ce levier en pointant l’utilisation importante de l’eau dans ce secteur ou la pollution des rivières à partir des teintures utilisées… »
Des solutions existent aujourd'hui en tant que consommateurs
Aux dires de notre interlocutrice, en 15 ans, les consommateurs sont désormais informés, reste à passer à l’acte ; mais au « oui, on sait » entendu dans la rue, se conjugue « quelle solution avons-nous ? ». Le Collectif se sent aujourd’hui plus en mesure d’y répondre à travers l’achat de seconde main, l’échange d’habits rentré dans nos habitudes, le choix d’aller vers des créateurs locaux… « Il y a plus de solutions qu’hier et il y a aussi encore des combats à mener auprès d’un secteur de la mode très inventif pour passer au-delà des obligations. À cela s’ajoutent les problèmes dans les pays du Sud par rapport au climat, à l’eau qui seront demain les problèmes des pays du Nord. Nous avons d’ors et déjà à apprendre de ces personnes qui n’ont visiblement pas envie de copier notre modèle de production avec ses excès. C’est peut-être le nouveau discours que nous aurons à promouvoir… » rappelle avec force et sourire notre militante de terrain.
* Anciennement comité catholique contre la faim et pour le développement. ONG, elle mobilise la solidarité en France pour lutter contre la faim dans le monde.
** Loi qui exige des grandes multinationales françaises ou présentes en France qu’elles publient et mettent en œuvre un plan de vigilance, permettant d’identifier et de prévenir les risques d’atteintes aux droits humains, à l’environnement et aux libertés fondamentales que peut causer leur activité, mais également celle de leurs filiales et de leurs sous-traitants et fournisseurs, en France comme à l’étranger.
*** Organisation Internationale du Travail
Les trois coups ! Selon Anne-Marie Viguié
> Coup de chapeau : « A l’école St Exupère à Toulouse les élèves de CM1 et CM2 ont fait un travail sur 8 mois avec leurs professeurs demandant à travers des articles, des dessins … que le monde du textile change, exigeant de pouvoir s’habiller sans polluer et sans exploiter des travailleurs. Leur slogan - ne nous laissons pas embobiner — donne aussi de l’espoir concernant les générations à venir… J’essaie de relayer leur travail…»
> Coup de main : « Des associations ou particuliers peuvent nous rejoindre… »
> Coup de projecteur : « Sur le relais à Blagnac et de Cornebarrieu, ce sont des boutiques solidaires qui font un sacré travail de récupération mais aussi de remise en état avec des personnes en insertion… Et puis, il faut aussi parler des créateurs locaux comme Mano Facto à Toulouse. Cette boutique propose de l’artisanat local dans le prêt à porter mais pas seulement »
En savoir plus : https://ethique-sur-etiquette.org/