Tursac | 24
À partir de la reprise d’une scierie familiale, un groupe de charpentiers menuisiers réuni en association souhaite revenir à l’essence même de leur métier, allant de la sélection des bois à la prise en compte de la diversité des essences et du cycle de la forêt. Une vision alternative de la gestion de la forêt à long terme qu’ils entendent co-construire avec les propriétaires forestiers locaux.
Membres de la coopérative Coop et Bât*, installée à Sarlat depuis deux ans, très au fait de l’éco-construction, des charpentiers menuisiers ont fait le choix de reprendre une scierie locale à Tursac (distante de 20 km de Sarlat) afin de redonner toute sa place à une filière. « C’est une aventure humaine avant tout, entre une famille et un groupe d’artisans qui a bénéficié de liens déjà existants localement et de structures impliquées en matière de gestion des forêts. La coopérative dont un des rôles est d’animer un territoire, a accompagné ce projet pour redonner vie à cette scierie, qui existait depuis deux générations » raconte Philippe Pétrau –accompagnateur de la coopérative « Coop et Bat ».
Retour sur le passé…
Dirigée par Jean-Michel Agrafeuil, bûcheron de métier, pratiquant la sélection sur pieds des arbres, la scierie bien ancrée localement répondait à une demande d’artisans, de paysans, de clients proches… mais en 2017 l’activité doit cesser suite à un accident du responsable. Son fils Jérôme, entrepreneur de travaux publics pense dans un premier temps à la reprise, mais le contexte local va dessiner un autre avenir à ce projet à partir de la création d’une association constituée de tous les acteurs de la chaîne - bûcherons, débardeurs, menuisiers, charpentiers…- « Au coin des scieurs est créée en 2021, le statut associatif permet de réaliser une transition en douceur, souple, de relancer l’activité sans salarié avec des artisans locaux pouvant intervenir selon les besoins, de pouvoir verser un loyer à Jean-Michel, de bénéficier de ses connaissances et d’avoir intégré selon son souhait, Jérôme dans l’association qui en assure la coprésidence » précise notre interlocuteur, autre coprésident d’Au coin des scieurs.
« de la source à la charpente, sans intermédiaire … »
Formés au sciage et à la reconnaissance des essences locales, l’objectif sera, pour les artisans, de valoriser au mieux les arbres et de créer un modèle économique fonctionnant pour l’ensemble de la filière : « de la source à la charpente, sans intermédiaire et faire que tout le monde soit gagnant. Selon les besoins, il s’agit de faire des prélèvements ciblés, correspondant à des éclaircies assurant ainsi la repousse naturelle. Le but est de préserver le capital forêt de génération en génération, tout en prenant en compte le rythme et le cycle de la forêt. On souhaite sensibiliser les propriétaires à une meilleure gestion de leurs parcelles avec l’objectif de montrer qu’il n’y a pas qu’une seule solution qui s’offre à eux » poursuit notre interlocuteur.
Refaire le chemin, revenir à son métier, lui donner plus de valeur
Revenir à la source d’approvisionnement, pour que le métier reprenne pleinement son sens, les artisans sont prêts et de plus en plus nombreux à franchir le pas, raconte Philippe Pétrau : « On a oublié en tant que charpentier, menuisier d’où venait la matière première, de quelle forêt elle était prélevée. En recevant le bois sous film prêt à poser, beaucoup sont devenus des poseurs, une partie du métier a disparu. Nous avons un rôle à jouer dans le choix du bois selon l’usage, dans la sélection sur pied… encore plus aujourd’hui, où chacun veut désormais être acteur au-delà de son métier, agir sur la biodiversité, tenir compte de l’humain. Les espaces de réflexions naissent dans ce contexte comme ici la création d’une épicerie du bois pour les petits travaux, la prise en compte de la précarité en veillant à réserver des déchets de bois pour le chauffage…»
Un festival de sensibilisation pour le grand public, les élus…
Pour donner de la visibilité à ce projet, l’association a créé avec succès en novembre dernier un festival afin d’expliquer le fonctionnement de la scierie mais aussi d’une filière : « Plus de 1000 personnes sont venues –particuliers, artisans, élus… pour s’informer, comprendre, festoyer… L’investissement temps des bénévoles a permis de structurer de façon ludique le message avec notamment la création d’un chemin de bois afin de sensibiliser le public à la nécessité de disposer de plusieurs types d’essences dans un massif forestier et de procéder à des coupes raisonnées. Il y a des initiatives qui font du bien… et qui méritent d’être renouvelées comme cet événement »
* Coop et Bât : coopérative d’activité et d’emploi (CAE) Coopérative d’Activité et d’Emploi de l’Économie Sociale et Solidaire. Le siège social est à Lormont. Un établissement secondaire a été implanté à Sarlat-la-Canéda en juillet 2019.
Les trois coups ! Selon Philippe Pétrau
> Coup de chapeau : « Aux bénévoles de l’association qui ont permis que le festival existe et qui va au-delà des savoir-faire de tous… Il y a de grosses qualités humaines, d’attentions au collectif, de créativité et de souplesse qui ont été mises en avant par chacun.»
> Coup de main : « Dans l’objectif de créer une épicerie du bois, il y a déjà des coups de main à donner, mais les choses se structurent, l’idée est de mettre à disposition gratuitement des chutes pour réaliser des étagères… et aussi donner du bois pour les personnes qui auraient besoin de se chauffer.»
> Coup de projecteur : « le café association la Pie à St Cyprien qui déploie une grosse dynamique dans le lieu mais aussi à travers le journal la Pie qu’ils ont créé. Ils ont relayé notre projet de scierie, le festival, ont organisé des débats autour de la filière bois… C’est un beau lieu à connaître.»
En savoir plus : L'Association Au coin des scieurs : https://www.facebook.com/aucoindesscieurs/