Arsac | 33
Afin de renouer avec le plaisir de faire avec ses mains, de s’ouvrir à des métiers manuels, une association propose un programme de pratique artisanale avec des professionnels en direction des classes de 5ème. Plus qu’une sensibilisation, l’association œuvre à moyen terme à la réintégration de la pratique manuelle au sein des programmes scolaires.
Faisant le constat, comme bon nombre de ses collègues, que l’enseignement technologique depuis quelques années s’éloigne du concret, un professeur du collège Planchon à Arsac (Gironde) s’est rapproché de l’association “De l’or dans les mains“ voici quelques mois : « Je cherchais une solution et je suis tombé dessus par hasard à travers les réseaux sociaux sunsr l’association. J’ai déposé un dossier et on a été choisi. C’est pour les élèves de 6ème et 5ème l’occasion de renouer avec le « faire avec les mains », notamment pour ceux qui sont en difficulté. La techno est devenue un enseignement de théories. On conceptualise les chaînes d’énergie, les chaînes d’information… on ne fait plus rien manuellement, alors que notre matière avait cette vocation initiale » précise Philippe Deslandes.
… « C’est le bon moment, de part et d’autre, la prise de conscience est là.… »
Créée en 2021, l’association “De l’or dans les mains“ est le fruit d’une double observation réalisée par sa fondatrice, qui a alors 27 ans. Jeune diplômée de science Po, cette dernière a grandi en Touraine. Elle se rend compte que les savoir-faire manuels dans sa région se perdent et dans le même temps que l’école ne valorise qu’une seule forme d’intelligence ; l’aspect manuel y étant exclu. « Gabrielle Légeret a d’abord œuvré aux côtés de Chemins d’avenirs en direction des jeunes des territoires ruraux, puis elle a décidé de lancer un podcast en 2020 qui raconte les métiers de dix artisans. Un an plus tard, elle va connecter deux mondes éloignés, l’école et les métiers de l’artisanat, donnant naissance à “De l’or dans les mains“. C’est le bon moment, de part et d’autre, la prise de conscience est là. En trois ans, l’association s’est énormément développée à partir de quatre grandes régions principalement, mais nous avons des demandes d’un peu partout comme ici en Gironde. » précise Julie Gambéroni -Responsable de la Région Bourgogne-Franche-Comté.
Travail préalable avec l’école avant l'action
À Arsac, le travail préparatoire entre l’association “De l’or dans les mains“ et le collège démarre à l’automne dernier avec quelques échanges par téléphone, puis chaque élève reçoit un cahier pédagogique remis par l’association afin de se préparer aux ateliers avec l’accompagnement de l’enseignant. « Tout cela s’est fait assez rapidement. Nous faisons les derniers préparatifs actuellement, on élabore une liste de questions à poser aux artisans, on réfléchit également aux lieux d’accueil des artisans, car nous les recevons dans les locaux au collège… »
Recherche des artisans locaux
Parallèlement, l’association se met en contact avec les artisans locaux, qui vont assurer les ateliers pratiques pour viser, ici en Gironde, une première intervention mi-avril. « Pour mobiliser les artisans sur les territoires, nous nous rapprochons des compagnons du tour de France, des fédérations de métiers, des collectivités locales, et parfois aussi de parents artisans volontaires. Les artisans intervenant dans les ateliers au sein des collèges sont tous rémunérés.» poursuit notre interlocutrice.
Le Jour J de la première session, quatre-vingt-un élèves de 6ème et 5ème feront la découverte d’un métier manuel par petits groupes, pendant une heure. L’opération sera renouvelée 9 fois auprès des neuf artisans à travers 2 autres sessions.
S’initier à des pratiques manuelles
Parmi les artisans professionnels locaux intervenants, on trouve une tapissière, un céramiste, une couturière, une créatrice-designer végétale, un tourneur sur bois… « Ce sont des métiers qu’ils ne connaissaient pas, bien souvent. En un peu moins d’une heure, ils vont s’initier à une pratique manuelle et peut-être aller vers une production si possible. Ils vont vivre ainsi trois expériences dans la journée, les dernières étant programmées l’an prochain. » raconte le professeur de technologie.
… Et faire travailler l’élève sur son parcours d’orientationÀ travers ces journées, l’objectif pour l’association est de faire travailler l’élève sur son parcours d’orientation, en créant des ponts entre le programme scolaire et la pratique artisanale. « Pour moi, l’avenir de l’école se joue dans le manuel, d’autant plus, si on veut une école inclusive. L’ambition de l’Education Nationale, la transformation de l’école, doit passer par là, c’est mon ressenti » souligne Philippe Deslandes.
Des actions bien implantées pour construire un futur
Si, pour le collège, les actions proposées par l'association sont gratuites, celles-ci sont notamment financées par la fondation Michelin, Rothschild, SNCF ou encore Terre & Fils. Entre 2022 et 2023, son budget est passé de 150.000 à 490.000 euros. Les mécènes privés abondent à 85 %, tandis que les subventions de l'État représentent 15 % de ce montant. Enfin, l’association poursuit un travail de plaidoyer pour participer à la construction de politiques publiques en matière de jeunesse, dans le cadre notamment du plan “métiers d’art“. En mai 2023, Gabrielle Légeret a été nommée par la Ministre de la culture, référente pour la jeunesse du plan du gouvernement en faveur des métiers d'art.
Les trois coups ! Selon Julie Gamberoni
Coup de chapeau : « A la maison Rémy Garnier – bronzier d’art- qui nous soutiennent et nous font confiance depuis le début de l’association, en mettant à disposition notamment des salariés de leur entreprise, en recrutant des artisans… Et c’est dans leurs locaux que nous ferons notre prochaine assemblée générale. C’est un mécénat de compétence essentiel qui nous permet aussi d’avoir à nos côtés, au sein du Conseil d’Administration, son Président Directeur Général -»
Coup de main : « Ce dont on a besoin, ce sont des artisans… ceux et celles qui souhaitent transmettre peuvent nous contacter. Le plus gros de notre travail est aujourd’hui la mobilisation des artisans. C’est d’autant plus vrai quand nous allons vers de nouvelles régions pour mettre en place l’action De l’or dans les mains.»
Coup de projecteur : « Sur Les Journées Européennes des Métiers d’Art qui gagnent à être plus connues. Elles se sont déroulées début avril. C’est un événement unique au monde et gratuit en faveur d’une meilleure reconnaissance du secteur des métiers d’art. Il y a des démonstrations de savoir-faire, des ateliers découverte, des conférences…partout en France. J’ai découvert récemment la Métairie Bruyère, un centre d’art graphique unique où l’on peut voir des ateliers de lithographie, des presses imposantes, une collection de caractères de plombs…C’est aussi un lieu de stages de gravure, de cyanotype.»
De l’or dans les mains : https://www.delordanslesmains.com
