Anglet 64
Pour ce projet unique en France dédié à la santé et aux soins, les créateurs du lieu ont accordé une place majeure à l’aspect humain, social et culturel sans oublier leur humour. Cette proposition alternative de la médecine a donné un sens à l’exercice des professionnels du lieu et a été fort bien accueillie par ses usagers. Et si ce concept d’installation auprès des jeunes médecins pouvait se répandre… Les créateurs y œuvrent.
Ouvert depuis mars 2022, sous le nom « La Générale » à Anglet, le premier tiers-lieu de santé en France présente l’originalité d’avoir des créateurs qui ont de l’humour jusqu’au nom trouvé pour l’association qui porte le projet en la dénommant URFU (en verlan qui signifie Futur mais « sans Té » ) et a affirmer avec le sourire et conviction que « le cœur battant de la structure est l’activité Café » ! Tout de suite, Marco Bérardi, médecin généraliste, Président de l’association, met à l’aise, sans se prendre au sérieux et sans dénigrer la pratique actuelle de la médecine, il évoque son malaise à exercer une médecine en cabinet et rappelle la genèse du projet : « On a exploité, avec Thomas Garrain, notre carte créative, qui n’est pas du tout mise en avant pour exercer notre métier. Alors que nous sommes internes, l’enfant en nous rêve -Si un jour, on crée notre cabinet- ce sera un lieu enthousiasmant, plein de créativité qui puisse ouvrir la médecine à d’autres univers et qui nous permettent d’avoir cette liberté-là, d’aller vers l’émerveillement, d’inscrire de la poésie dans nos vies, de rester dans le jeu qui permet de se relier.»
Le projet se définit au cours de la période 2020- 2021
L’internat se termine pour les deux compères fin 2013, ils vont alors pendant quelques années exercer leur métier de façon classique, en tant que remplaçants dans un cabinet, dans les hôpitaux… Mais l’idée ressurgit en 2020 et 2021, au cours de la période du COVID, donnant du temps aux deux amis qui vont intégrer dans leur réflexion Quiterie Cazaubiel, une amie ingénieure dans l’aéronautique désirant changer de métier. « Là, on se dit que c’est le moment, d’autant que Quiterie, chef de projet professionnelle, allait être au chômage et que l’on avait ainsi du temps, mais aussi une échéance désormais à tenir. »
« … on était en train de créer à notre grande surprise un tiers-lieu »
Le projet défini mettait en place un nouveau modèle, plus axé sur la prévention que le soin, donnant envie aux personnes de prendre soin d’eux, d’inspirer des changements qui amèneraient plus facilement à prendre en charge sa santé : « Pour cela il fallait créer un lieu enthousiasmant, trouver des leviers artistiques qui font appel à l’émotion, à la solidarité, le lieu étant notre outil. Il s’est avéré au final que l’on était en train de créer à notre grande surprise un tiers-lieu réunissant des compétences sous la bannière de la santé et des usagers dont les collaborations et les projets collectifs, dans cet espace partagé, allaient créer la rencontre et continuer à nourrir le projet.»
L’aménagement du lieu nécessite un emprunt de 450 000 €
C’est donc à Anglet dans la zone industrielle de Blancpignon que le tiers-lieu la Générale prend vie dans des anciens entrepôts loués. Les 350 m2 offrent aujourd’hui 5 salles de consultation, un lieu de vie autour d'un café associatif et deux salles polyvalentes de 25 et 80 m² (activités sportives, conférences, culture...). Pour aménager le tiers-lieu, l’association a emprunté 450 000 euros sur dix ans. La location des espaces aux professionnels de santé et autres usagers du lieu permettra de rembourser l’emprunt tout comme l’activité café-petite restauration non négligeable attenante au projet.
Le projet se décline bien sûr au futur
«L’idée du tiers-lieu est de venir consulter son médecin, partager un café ou un peu plus, se retrouver entre amis, amener ses enfants, jouer ou bouquiner, pratiquer son sport préféré, assister à une formation, une conférence ou un concert déjanté… Ce projet-là est pour nous un projet d’avenir, pas parce qu’ils rapportent financièrement, mais parce que la période de l’abondance va se tarir bientôt et que l’on va être obligé de se retrouver dans des modèles solidaires et que ce lieu a un sens pour le futur de la santé… d’où notre nom.» dit avec le sourire notre interlocuteur.
A ce jour, La Générale compte quatre médecins généralistes, un psychologue, un ostéopathe qui loue selon leurs besoins les bureaux à l’association. A côté, on trouve des activités dans les domaines du yoga, des activités physiques, du Pilate, de la danse, de l’art pictural, des activités manuelles, des ateliers-conférences sur la diététique, à destination de tous les âges. « On essaie de garder une cohérence, un équilibre entre toutes les activités. On est toujours en évolution. En ce moment, nos activités de sophrologie se transforment en un moment de détente, pour une proposition différente de ce qui existe. Et le soir, en tant que lieu de quartier, les espaces s’ouvrent à des concerts, des spectacles, des activités de théâtre… » précise Marco Bérardi aujourd’hui chargé également de la direction stratégique de l’association à titre bénévole.
Pas facile d’être précurseur dans ce secteur
Si le fonctionnement du tiers-lieu s’appuie sur un poste et demi de salarié, la communauté des bénévoles y est importante, support indispensable pour que le projet soit viable à ce jour. Malgré les bons retours des patients, des usagers, des adhérents… il n’est pas facile d’être précurseur dans le secteur le santé, d’où la nécessité demain de plus communiquer, d’offrir en début d’année un site internet plus attractif… Dans cette volonté de rechercher de nouvelles ressources, l’association souhaiterait également mettre en place une activité de conseil auprès d’une collectivité locale, ou d’un groupement de professionnels de la santé qui souhaiterait installer un tiers-lieu santé.
Enfin, dans l’objectif d’inspirer les jeunes médecins à aller vers ce type d’installation, le travail de Grégoire Beaufume, ayant pour directeur de thèse Marco Bérardi, sera présenté au congrès national de médecine générale en mars 2025 à Paris : « L’essaimage fait partie de nos rêves ultimes, mais aussi, nous l’espérons, de notre future réalité. Le travail effectué par le Docteur Beaufume qui présente un retour d’expérience sur un an du tiers-lieu La Générale et l’opportunité de le présenter dans ce contexte nous donnent quelques espoirs.»
Les trois coups ! Selon Marco Bérardi
> Coup de chapeau : « A Quiterie qui a su mettre en forme et surtout concrétiser par son travail, le projet qui serait resté à l’état d’une d’idée bien sympathique entre amis autour d’un verre à l’apéro. Elle a pris en charge l’écriture du projet, la recherche des financements, du lieu, de l’architecte…»
> Coup de main : « On a besoin de bénévoles, mais quand on dit cela, ça peut-être une heure ou quelques heures de façon régulière ou ponctuelle. De notre côté on aimerait filer des coups de mains à des jeunes médecins intéressés par notre tiers-lieu.»
> Coup de projecteur : « Sur une mesure qui ne va pas nous impacter certes, mais qui est à mettre en lumière, à savoir que le financement alloué aux tiers-lieux devrait être amputé de 80%… Nous avons besoin de ces lieux, de solidarité, de liens, et nous en aurons encore plus besoin demain. Ces lieux parallèles restent des îlots de résistance, de créativité, d’innovation, d’écoute et d’accompagnement. Il est essentiel de les aider.»
En savoir plus : La Générale : https://www.lageneraleanglet.com