Bessières | 31
À travers un système de maraudes, l’association le Camion Douche va à la rencontre des gens de la rue et des mal-logés sur Toulouse et sa périphérie. À bord d’un camping-car aménagé, les personnes en précarité peuvent accéder gratuitement à l’hygiène corporelle. Dix ans après, les fondateurs restent toujours mobilisés, rappelant que l’accès à l’hygiène reste un levier majeur pour pouvoir sortir de la rue.
En 2015, lorsque Jérôme Brière et Héloïse, sa fille aînée, se lancent dans un projet de venir en aide aux personnes dans la rue, l’idée vient d’une action menée par une association parisienne, un témoignage entendu à la radio à “Carnets de campagne“ sur France Inter. « On voulait faire quelque chose, agir à travers une action de solidarité. On pensait s’engager dans une association et puis on a pris connaissance par hasard d’un dispositif parisien. On est rentré en contact avec eux et c’est parti de là, ce que l’on trouvait intéressant, c’était d’aller à la rencontre des personnes, d’avoir une action qui nous mettait en lien direct avec les personnes qui en avaient besoin.»
Quelques atouts pour démarrer…
À l’époque, seules quatre structures fixes accueillaient les sans-abri dans la ville rose, soit vingt-quatre douches mises à disposition pour quelque 3 000 à 4 000 personnes vivant dans la rue, sans compter le mal logement. Un camion aménagé nécessitant 30 000 euros et l’objectif étant de tourner à deux véhicules, la première action était de trouver l’argent pour démarrer : « Pour l’achat des camions et leur aménagement permettant aux personnes de la rue de se doucher avec possibilité de changer de sous-vêtements, distribués par nos soins, il a fallu trouver des financements, frapper aux bonnes portes, trouver les subventions. Notre connaissance des partenaires du tissu associatif local et au-delà a été un plus » Le nombre de femmes dans la rue a progressé
S’appuyant sur un système de maraudes, le camion sillonne, depuis sa création, la ville et sa périphérie, s’installe à des points fixes y retrouvent régulièrement les acteurs solidaires (Restaurants du cœur, le secours catholique…) : « Ces dernières années, on assiste à une augmentation de la précarité. Il y a les sans-abri, de plus en plus de personnes dormant dans leur voiture, mais aussi les mal logés ne bénéficiant pas d’une douche dans leur logement. Autre constat, on assiste à une augmentation des femmes qui représentaient 50 % de notre public en 2024 amenant l’association a proposer un camion spécialement pour les femmes, l’autre étant ouvert à tous. »
Répondre toujours à l’urgence dans le cadre de la mission initiale
Au cours de ces dix ans, l’association a mis en place petit à petit une organisation efficace, traversé une période agitée lors du COVID amenant le camion Douche à se dévier de sa mission première, allant jusqu’à des distributions de tentes, de vêtements… : « On était allé trop loin, il a fallu revenir à notre mission première et y rester, c’est là que nous sommes le plus pertinent. Nous n’avions pas l’organisation et le temps, pour répondre à cette demande, les préalables de mise en œuvre étaient chronophages, même si l’intention était pour nous encore une fois de répondre à l’urgence ».
Les bénévoles, le poumon de l’association.
Aujourd’hui à côté des deux salariés et d’un éducateur spécialisé intervenant en contrat CDD pour un projet défini, on trouve les bénévoles, le poumon de l’association. Le Camion Douche compte 200 adhérents et pas moins de 50 bénévoles actifs, assurant les quatre sorties par semaine : « Nos bénévoles sont issus de toutes les catégories sociales. Ils nous suivent depuis longtemps pour beaucoup. Il y a ceux qui préfèrent s’occuper de la logistique, ils préparent les camions et les autres qui préfèrent aller sur le terrain, être en lien avec les personnes de la rue ».
Pour recruter de nouveaux adhérents mais aussi faire vivre le collectif, l’association propose tout au long de l’année des évènements festifs, culturels et même sportifs. L’assemblée générale prévue dans quelques jours est aussi un moment voulu festif et convivial : « Ce sont des temps forts de partage, de liens et d’information que nous avons toujours privilégiés. Tout comme les conférences, les soirées de solidarités… nous allons expliquer la situation de nos villes. Ces actions donnent souvent envie à des personnes de s’engager avec nous.»
Est-ce un bien ou un mal de voir que l’association le Camion douche existe encore ? demande-t-on à notre interlocuteur : « On peut se poser la question. C’est vrai, c’est inacceptable cette situation, mais notre mission est de répondre à l’urgence et l’hygiène est le moyen qui permet de reprendre confiance en soi, un instant ou parfois plus, de pouvoir assurer un rendez-vous auprès d’un employeur. Elle reste un levier majeur pour pouvoir sortir de la rue.»
Trop peu de personnes touchées… mais aussi de beaux moments
Si pour l’association, le nombre de personnes touchées est toujours trop peu par rapport aux besoins, les moments de partages, les belles rencontres humaines, les petits coups de pouce sont significatifs, font du bien : « Dernièrement, notre travail avec un institut d’éducateurs à Toulouse a permis à Luc et Bernard qui vivent dans la rue, d’aller témoigner dans un lieu universitaire, de prendre la parole, d’exister… Pour moi, pour nous, ce fut un moment émouvant, et on s’est dit qu’on était allé dans ce cas jusqu’au bout, jusqu’à créer ce lien inimaginable voici quelques semaines.»
Demain…
Dans sa recherche constante de la pertinence, le Camion Douche pense à développer ses sorties, mais aussi à se rapprocher des tiers-lieux pour agir auprès d’une population de plus en plus en difficulté fréquentant ces endroits.
> Coup de cœur de Jérôme Brière : « Pour l’association Montpelliéraine la Cloche que l’on connaît depuis longtemps. Ils font un travail formidable, qui intervient auprès des personnes en grande précarité à travers des repas, des actions en partenariat avec les commerçants de la ville »
Le Camion Douche : https://www.lecamiondouche.com