Agen | 47
Parti d’une action ponctuelle, celle de créer un événement avec un temps fort à Noël afin de rompre la solitude des personnes exclues, le Hang’ART est né pour agir au quotidien, en créant un espace de rencontres s’appuyant sur la restauration avec un vrai chef en cuisine. De la réflexion à la proposition de ce café-restaurant solidaire… Retour sur ces dix années avec l’une de ses fondatrices.
Trois ans de réflexion, associés à une étude menée sur le territoire, ont donné naissance à un projet qui s’inscrit dans le quotidien des Agenais depuis sept ans. D’un évènement culturel par an, avec un temps fort festif à Noël venant combler la solitude, l’ambition était d’ouvrir un café-restaurant solidaire, proposant une vraie sortie dans un vrai restaurant avec un chef cuisinier aux manettes qui serait pensée pour toutes les bourses, la culture faisant partie intégrante du projet, comme le souligne sa dénomination.
Un projet de grande ampleur
« Dans ce but, on a créé le Hang’ART , d’abord à travers une association, transformée en 2019 en SCIC. On s’est lancé dans un projet dont on n’avait pas imaginé l’ampleur, car je ne sais pas si on l’aurait réalisé. L’achat du lieu de 300 m2 avec les travaux a nécessité 500 000 euros. Entre les fondateurs, les artisans qui ont transformé en partie le coût de leur prestation en mécénat, l’apport de fondations et autres financements, quand on a ouvert, la dette n’étaient plus que de 70 000 euros » précise Élodie Sauvage-Férezin, directrice du Hang’Art et une des initiatrices du projet.
Dès le démarrage, le restaurant est fréquenté, la cuisine y est fortement appréciée dans ce lieu qui suscite l’échange et la rencontre, un véritable lieu de vie était né : « Les restaurants sont des lieux de sortie et de loisirs qui ne sont plus accessibles à toutes les bourses. On veille à proposer des réponses adaptées aux besoins que l’on observe en relation avec les acteurs sociaux du territoire ».Un fonctionnement reposant sur la solidarité et non sur la gratuité
Dans son fonctionnement, le lieu présente la particularité de reposer sur deux structures, la SCIC du Hang’ART qui a une activité de restauration, soumise à TVA… et l’association Stand’UP, celle qui originellement proposait des événements ponctuels , avec comme mission de favoriser l’animation et le lien social du lieu.
Le modèle économique basé sur une éthique de consommation solidaire repose sur une complèmentarité entre les deux structures, avec d’un côté les adhérents solidaires qui pratiquent la libre participation sous forme de contribution majorée et de l’autre, les adhérents bénéficiaires bénéficiant d’une réduction de 25% à 50% avec une seule carte de fidélité pour les adhérents : « Autrement dit, il y a des clients non adhérents qui consomment et paient le prix affiché. À côté, il y a des adhérents solidaires – dit bénéficiaires du principe de libre participation- et des adhérents bénéficiaires de réduction, et pour chaque adhérent une seule carte de fidélité. »
Adaptations et propositions en permanence
Ainsi, lors de la période du COVID, le Hang’ART met en place le frigo solidaire (chacun pouvant venir déposer ou récupérer des denrées de manière totalement libre et gratuite), mais aussi les repas suspendus : « A cette période, Il y avait les personnes qui pouvaient venir acheter au Hang’ART des repas et les autres qui n’avaient pas les moyens et qui avaient leur frigo vide. Les premiers achetaient –selon la libre participation- et aidaient les autres. On a mis ce système en place avec le CCAS, les assistantes sociales…Des repas ont ainsi pu être livrés aux plus précaires. À chaque fois que l’on peut s’insérer dans un dispositif social, médico-social local, on le fait.»
Un slogan emprunté… qui en dit long sur le lieu
Pour notre interlocutrice, dans une société idéale, le Hang’ART n’existerait pas bien sûr, mais dans une société où les espaces de rencontres se réduisent, où le repli et l’isolement guettent les plus démunis, l’utilité du lieu est une évidence : « La plus grande cause de mortalité en France, ce n’est pas la précarité, ni les accidents de la route, mais le suicide lié le plus souvent à la solitude et l’exclusion, à en lire une étude dans le Monde. La perte de sens, le sentiment d’inutilité… Notre constat est parti de là et on s’est dit comment créer des espaces de qualité, répondant aussi à la mal bouffe, en disant aux gens - Venez comme vous êtes selon le slogan bien connu que l’on s’est approprié… C’est l’idée de ce lieu depuis son ouverture ».
La volonté de dupliquer demain le modèle
Convaincu du bien sociétal, de l’utilité sociale du lieu, l’envie aujourd’hui serait d’essaimer le modèle dans d’autres départements : « On aimerait dupliquer le modèle sous forme de franchise solidaire, en relation avec les structures territoriales bien évidemment… Et cela, partout où il y a un lieu où il est dit - Venez comme vous êtes - Ce serait pas mal, non ? » précise avec humour Elodie.
> Coup de cœur d’Élodie Sauvage-Férezin : « Je pense à l’ouvrage Utopies réalistes de Rutger Bregman que j’ai lu récemment qui recense les expériences menées dans des villes qui ont réglé le problème des SDF… Il mêle des réflexions sur les incidences du revenu Universel, en termes de santé, de culture… C’est un ouvrage hyper accessible en termes de lecture. Un ouvrage pratico-pratique, avec des solutions qui certes ne s’applique pas à notre échelle, mais montre que ce que l’on fait va dans le bon sens, contrairement à ce que l’on entendrait parfois … »
Le Hang’ART : https://www.hangart47.fr