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Jézeau | 65

Indissociable de la production ovine laitière ou de viande, la laine est un coproduit des filières alimentaires. Sur un territoire au savoir-faire lainier délaissé une entreprise depuis 2018 a reconstitué une filière, de la tonte à la réalisation de tissu de décoration en passant par un bureau d’études. Rencontre avec sa créatrice, passionnée des matières textiles et au plus près de la ressource locale.

Passionnée par les  belles matières, voulant courir le monde à la recherche des plus belles étoffes avec, en poche, les diplômes nécessaires en Arts appliqués et  commerce,   Sarah Langner  va revisiter son projet  dès sa première expérience professionnelle à Paris : «  Je travaillais pour une entreprise russe qui voulait le design « In Paris » … Ce fut une expérience très traumatisante, mais qui m’a permis  très vite de voir ce que je ne voulais  pas.»
A 27 ans, Sarah Langner  décide alors de revenir dans la vallée de l’Aure ( 65) une région qu’elle  aime, où elle  a grandi et de mettre en place son projet qui ne manque pas d’ambition : réintroduire la laine française dans le paysage industriel national. «  On a ici un gisement disponible en abondance,  qu’on le veuille ou non, les brebis il faut les tondre. C’est nécessaire pour éviter les  parasites,  les accrochages  sur des ronces en estive, pour ne pas qu’elles soient lourdes,  … Et il y a un vrai enjeu à tondre la laine.»


… « une motivation de bon sens »…
Dans les Pyrénées, tisser et filer la laine est une tradition ancestrale. Chaque  éleveur a encore une histoire de famille à raconter, la mamie qui filait la laine au coin du feu pendant que la soupe mijotée dans le cantou : « Je les entends encore ces récits…  Et je suis contente de m’inscrire dans l’histoire de ce pastoralisme, à mon échelle. C’est pour moi une motivation de bon sens, réutiliser ce qui existe sur le territoire,  la laine a des vertus et il y avait une envie à mon petit niveau de recréer de l’emploi dans cette filière »
En 2017 Sarah Langner  crée l’atelier Marelha, installé dans la vallée d’Aure (65) à Jézeau qui va organiser toute la filière,  de la collecte de la laine jusqu’à la confection de produits ou prototypes au  sein de l’atelier, sans oublier le bureau d’études, le seul en France à être spécialisé laine,  qui intervient sur des missions diverses, du design à la production finale.

« …Notre métier permet aussi de mettre en lumière le métier des éleveurs… »
Dans ce but, en amont, un  GIE  est  créé avec une dizaine d’éleveurs en 2019. Aujourd’hui ils sont 56 : «  On collecte  17 tonnes de laine  par an. Je sillonne les routes du 65, 64, 31 et du 09 au mois de juin avec un chauffeur de l’entreprise d’insertion sociale Récupactions, afin de  collecter la matière première  auprès des éleveurs de races rustiques que nous avons sélectionnés »
Si l’éleveur paie la tonte, il  est  rémunéré par l’Atelier une fois la laine  triée, ce qui correspond à environ 30% de la tonte initiale : «  Le deal au départ est clair, mon job c’est de vendre la laine et de la valoriser au mieux, le  job de l’éleveur est de tondre la brebis  et de nous la livrer dans des big-bag. J’aime beaucoup l’idée de chacun son métier et de faire un effort de chaque côté. Souvent la laine est sale, parfois poussiéreuse, on accepte cela, car cela  fait partie  des habitudes champêtres mais cela évolue. Notre métier permet aussi de mettre en lumière le métier des éleveurs et de participer à une histoire du patrimoine local.»

La laine, une fibre nécessitant de multiples transformations
Depuis deux ans,   une réflexion de  mutualisation est menée à la demande de la Communauté de communes Cœur Coteaux-Comminges (31), avec quatre autres acteurs du Sud Ouest dans le but  de monter une importante plateforme de collecte et de tri sur le territoire, quatre emplois y sont prévus : « Après ces étapes, il  y a  la partie lavage qui est  effectuée en dehors de la région. Notre métier repose  sur une organisation de la  chaîne logistique qui va de  l’approvisionnement en laine  jusqu’aux partenaires de transformation, d’où l’importance de  penser le plus local possible dans le but d’optimiser  les coûts, mais aussi d’adopter un comportement écologique.»
Chaque année, selon les commandes des clients et des développements envisagés par l’Atelier,   la production de  laine est tissée, non tissée ou feutrée,…  «  Les ventes se font aux mètres,  ou au kilo à partir des  demandes émanant de particuliers ou de professionnels. En dehors de cette  activité de mercerie,   une partie de notre production  va à  notre marque Pyloow de décoration d’intérieur et une autre est stockée  pour les clients de notre bureau d’études.»


Côté projets,  pas de barrière…
A ce jour, l’Atelier  emploie cinq personnes  et les projets ne manquent pas dans une filière certes déconstruite, mais qui  se vit par ses protagonistes comme un challenge à relever au jour le jour : «  le travail est divers, un jour je suis avec les bottes, un autre à Paris avec des designers… Notre évolution est toujours  en cours, comme tissé ou tricoté en interne demain…  Notre  volonté à  démultiplier les projets à partir du fil rouge qu’est la laine est sans fin. Aujourd’hui, le bureau d’étude travaille  dans les secteurs de La construction, le médical, l’ameublement,… on n’a pas de barrière… Ni celle prochainement d’être  plus visible localement, comme le fromager… J’observe comment  fonctionnent les circuits courts alimentaires, c’est très  inspirant.»

 


Les trois coups ! Selon Sarah Langner



> Coup de chapeau : « Ayant démarré à 27 ans, n’étant pas issue du milieu de l’élevage, je me suis  toujours tournée vers des hommes d’expérience, Francis Arné, un éleveur qui m’a fait connaître tous les éleveurs avec qui on travaille et Eric Carlier  le tisserand, celui qui travaille le mieux la laine en France avec qui je partage  une passion,  il  nous apporte son savoir-faire à partir des idées que nous développons.»



> Coup de main : « Le consommateur peut nous soutenir en achetant notre laine,  nos produits sont au  prix  justes car ils prennent en compte la qualité et les rémunérations de tous. De mon côté, j’essaye d’aider ceux et celles qui ont des projets et  de me rendre  disponible auprès de nos institutions locales.»



 

> Coup de projecteur : «  Sur l’association Lainamac dans la Creuse, un lieu de formation sur les métiers d’art  qui valorise la création  en laine française et montre que les laines locales sont belles et majestueuses.»

Atelier Marelha : https://marelha.com

 

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REDACTION

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