Fontaine | 38
Sur un ton critique, voire satirique avec documentation et recherche à l’appui, Grenoble et son agglomération bénéficie d’un journal papier local depuis plus de quinze ans. Dans quel objectif ? Donner de la matière à réflexion à ses habitants « pour empêcher » et « construire »… en proposant un bel objet à lire. Des vents contraires stimulants pour notre interlocuteur, Vincent Peyret.
En 2009, Vincent Peyret vous lancez “Le Postillon“, un trimestriel papier en reprenant le nom d’un ancien titre…
> Vincent Peyret : On trouvait depuis longtemps qu’il n’ y avait pas de presse locale papier critique et indépendante et que cela manquait dans la région grenobloise. On a réalisé le journal en ne sachant pas si on en ferait deux, deux cents ou plus…On a vendu 800 exemplaires dès le premier numéro et cela nous a coûté 320€ avec une pagination bien moindre qu’aujourd’hui. Pour le nom, je recherchais un journal décalé, sarcastique, dans lequel le style d’écriture était de qualité et j’ai découvert Le Postillon paru entre 1885 et 1886 qui faisait référence aux deux sens du mot.
Quels types d’informations locales lit-on dans vos numéros et comment les traitez-vous ?
> Ce sont avant tout des sujets locaux sur Grenoble et sa cuvette, son agglomération. L’idée est de proposer de la matière à réflexion originale, de donner à réfléchir sur plein de sujets, d’actualité, historiques ou des sujets qui font parler… pour lesquels on manque d’éléments pour se faire une idée … Nous, on fait des recherches, on fouine, on essaye d’apporter des informations… on vérifie les informations que l’on nous donne car bien souvent, on nous propose des sujets…
Vous avez des thématiques préférentielles … ?
> Non, potentiellement c’est n’importe quel sujet … mais Grenoble étant une technopole, il y a une part très critique sur le déferlement technologique, cela fait en partie l’identité de notre journal.
Dans le dernier numéro, il est représenté les rivières jusqu’aux minuscules cours d’eau de l’agglomération de Grenoble …des cartographies, des illustrations, c’est un réel parti pris de votre journal…
> Les cartes géographiques sont en voie de disparition. Le GPS, les guidages par téléphone portable… font qu’on ne prend pas le temps de regarder une carte… il n’y a plus de représentation réelle de l’espace, de sa réalité … On a perdu, oublié, la carte du tendre, cette topographie allégorique figurée par des villages et des chemins qui correspondait aux ressentis des moments et apportait un regard sensible sur le monde. Nous on aime les cartes. Pour les illustrations, elles sont satiriques, humoristiques, selon les besoins ou l’inspiration de nos illustrateurs.
Les élections municipales seront-elles abordées dans le trimestriel ?
> Nous en parlons dans le dernier numéro et celui qui sort en décembre… Il y a une partie critique, on porte une réflexion sur les candidats… Mais l’on s’est intéressé plus particulièrement à l’abstention dans les quartiers où elle est très forte. Un sujet dont tout le monde se désintéresse, même les abstentionnistes eux-mêmes.
Le journal a un sous titre « Amour, glaire et beauté » pastichant une série américaine liée au luxe … qu’est-ce que cela signifie ?
> Amour, parce qu’il y a une démarche à se rapprocher des gens pour amener la réflexion et également l’action, celle pour empêcher ou faire. On va dans les rues, « On va gratter l’amitié » comme le fait si bien la revue l’Invendable.Glaire, cela fait référence aux postillons émis, à la satire du journal… Quant à la Beauté, c’est notre envie de faire un bel objet, aussi bien en termes de lecture que d’illustrations, on a la volonté d’être esthétique.
Alors que le N° 79 vient de sortir, le journal a bien évolué au fil du temps dans sa pagination ?
> Oui, on a grossi la pagination au fur et à mesure des numéros passant d’un quatre pages, à un seize pages dès le quatrième, puis un 20 pages pour aujourd’hui être sur un 28 pages en format A3. Le prix était à un euro aujourd’hui il est à 4€.
La distribution du journal est faite en kiosque, à la criée et vous ne recherchez pas forcément d’être lus par des abonné(e)s ?
Oui, on a dit à nos lecteurs d’acheter en kiosque, on croit au canal vertueux… On a quatre à cinq cents abonnés, plus de trois mille qui achètent en kiosque, et près de cinq cents à la criée sur les marchés, dans les manifestations, les évènements festifs… et également dans les librairies.
Quand on est comme vous un journal local critique, cela amène forcément des mécontentements, des réactions locales…
> Oui, on a des procès, on savait que c’était le risque mais cela ne nous dérange pas. Pour y faire face on fait attention à être le meilleur possible en termes de travail journalistique, vérification des infos, et s’il y a une mise en cause, on donne la parole aux protagonistes concernés. Cela renforce notre démarche à faire notre boulot du mieux possible.
> Les trois coups ! Selon Vincent Peyret
> Coup de chapeau : « A la volonté des membres de l’association sur laquelle repose la structure juridique du journal, ils sont près d’une vingtaine à soutenir le projet, l’action, la vente… car nous sommes deux seuls permanents à temps partiel».
> Coup de main : « Pour nous aider… Acheter le journal, le lire, nous critiquer, nous donner des info, le pire étant l’indifférence »
> Coup de projecteur : « Sur la revue l’Invendable, une revue papier sur des grands reportages. C’est exclusivement du reportage sur une centaines de pages …C’est un très beau boulot qu’ils font. Ce sont eux qui, dans leur démarche, vont gratter l’amitié, ils s’approchent de milieux dont ils sont éloignés… »
Le Postillon : https://www.lepostillon.org






