Pau 64
Quand un chorégraphe en résidence dans un quartier s’interroge sur la façon dont ses habitants y vivent, l’habitent à travers des rencontres, des discussions, des danses improvisées… Des moments exceptionnels rendus possibles grâce aux associations de quartiers, à la confiance des habitants ouvrant leur porte, et à l’immersion en toute sincérité d’un artiste. Une alchimie retransmise dans un film vidéo et un spectacle de danse contemporaine.
Hamid Ben Mahi a créé la compagnie Hors Série voici vingt ans. Au cours de ces années, ses chorégraphies mêlées de hip-hop et de danses contemporaines, interrogent les thèmes de l’identité, de la place des femmes, du vivre ensemble. Sa dernière pièce chorégraphique parle de l’habitat, de l’architecture, du territoire comme le précise le chorégraphe : « Pour ce dernier thème, Je souhaitais mener une enquête de ville en ville, rencontrer des habitants qui me parlent de leur chez-eux, du pourquoi ils sont attachés à l’endroit où ils vivent, leurs souvenirs, les objets qui leur sont chers »
Un projet artistique et sociétal
Cette aventure l’a amené à Chicago, Libourne, Bordeaux et dernièrement à Pau, dans le quartier Saragosse, territoire proposé par la scène conventionnée Espaces Pluriels qui a accueilli la compagnie en résidence sur une durée de trois semaines ; comme le précise Anne Woelfel - Responsable de l'action culturelle- : « Notre démarche est à la fois artistique, quant à la qualité de la compagnie de Hamid Ben Mahi, qui est venu plusieurs fois danser au théâtre Saragosse, et aussi sociétale, par le choix du projet sur le quartier en lien avec ses habitants. Une aventure rendue possible grâce à l’adhésion des associations du quartier.»
Provoquer à la fois des moments d’échanges et de danses…
La dizaine d’associations présentes et très engagées dans la vie du quartier de Saragosse a ainsi permis au chorégraphe de créer les contacts, de faire la connaissance des personnes-relais, de recueillir des témoignages de tous âges, que ce soit autour d’un café ou en allant chez les habitants qui ont ouvert leur porte : « C’était un échange que l’on souhaitait et de notre côté, on a pris le temps d’offrir de la danse à travers des impromptus, des ateliers chorégraphiques, des extraits de spectacles dans chaque structure qui nous a accueillis. On a dansé dans les salles, les jardins, à la sortie de l’école…Là, où cela était possible.»
Construire avec les habitants un récit…
Si le sujet de l’habitat, de l’architecture était nouveau dans la démarche du chorégraphe, l’enfant qui a grandi dans la Cité des Aubiers à Bordeaux aux hautes barres d’immeubles des années 70, a su créer, à n’en pas douter, de la proximité avec ses interlocuteurs : « Je crois que les habitants ont senti qu’ils pouvaient m’apporter une aide dans ma requête pour construire un récit qui allait être transmis et qui pouvait faire écho avec d’autres lieux. Cela leur plaisait, je pense. D’où l’importance de prendre le temps, d’expliquer le projet qui donnera lieu à un film vidéo sur le quartier et à un spectacle de danse hip-hop qui intégrera des images des différentes villes qui nous ont reçus.»
… Avec la sensibilité particulière du « visiteur »
Lors de ce temps de résidence Hamid Ben Mahi évoque l’identité, les particularités du quartier de Saragosse avec une belle sincérité : « Je sens qu’il y a ici une belle vie, que les habitants sont heureux d’habiter là, qu’ils aiment ce lieu où ils se ressourcent en sécurité. Ils ont de bonnes relations avec leurs voisins, aiment leur marché, la vie du quotidien. Ils sont plus attachés à tout cela me semble-t-il qu’à leur appartement…»
Alors que le film vidéo sur le quartier Saragosse, confié au vidéaste Irvin Anneix, a été diffusé le 9 octobre ; le spectacle de danse « I-3 Etre habitant » sera proposé le 16 octobre au Théâtre Saragosse.
Les trois coups ! Selon Hamid Ben Mahi
> Coup de chapeau : « À Christophe Chanut, directeur d’Espaces Pluriels, il a cru en ce projet, l’a défendu, l’a amené sur le territoire, ce qui nous a permis de donner naissance à un spectacle qui sera montré dans d’autres lieux, fera écho dans d’autres villes, rencontrera d’autres habitants… faire vivre le spectacle n’est pas un problème, mais de trouver les personnes qui font confiance au départ et qui vont assurer le financement, c’est plus difficile.»
> Coup de main : « C’est celui que l’on a reçu des structures présentes dans le quartier, la MJC des Fleurs, La Pépinière, Vivre Ma Ville, Pau Béarn Habitat. Ils ont pris le temps de réunir les habitants, de faire un goûter, un temps fort, une fête de quartier…»
> Coup de projecteur : « Sur ce qui m’a été transmis en Afrique du Sud, ils disaient que l’important est de mettre de la couleur dans chaque journée, de s’accrocher à sa journée, qu’elle soit la plus passionnante, car l’inquiétude ou penser au futur… nous fait perdre des journées. Et j’ai un autre message venant des États-Unis, qui dit - ma place est là où je choisis qu’elle soit- et qu’il faut la prendre et ne pas attendre qu’on me la donne.»
En savoir plus : Compagnie Hors série : https://www.horsserie.org
Espaces Pluriels : https://espacespluriels.fr