Ramonville 31
Le festival dédié en 1997 aux musiques du monde, sur une péniche itinérante naviguant le Canal du midi, a conquis son public au fil des ans. Aujourd’hui l’événement concerne tout un territoire tout au long de l’année. L’équipage a gardé son cap, invitant des artistes de différents continents, défendant une culture, portant une parole engagée… Une autre façon de découvrir, de rencontrer l’autre et de se relier par la musique.
Avec une péniche nommée « Le Tourmente » naviguant à 5km heure sur le canal du Midi aux beaux jours de juillet, une dizaine d’escales au programme sur 400 kilomètres parcourus, plus de 15 000 « passagers » Convivencia ressemblerait presque à une agence de voyages ; certes, on n’en est pas loin, mais il faut toutefois modifier quelques-uns de nos repères en embarquant avec Cécile Héraudeau, directrice et programmatrice de cet événement itinérant : « Convivencia est une association qui organise depuis 1997 un festival qui a grandi au fil de l’eau, offrant une scène sur une péniche aux artistes venu(e)s de différents continents racontant une histoire, mettant en avant leurs traditions toujours reliées à la période actuelle. Leur parole est engagée et fait écho aux luttes d’aujourd’hui, qu’elles soient écologiques ou sur les droits des personnes LGBTQ+. Les musiques sont un outil politique et social en ces temps de replis et sont donc encore plus indispensables.»
« Le festival démarre l’année où le canal est classé au patrimoine de l’Unesco »
A l’initiative de ce festival itinérant, un homme, qui a choisi dans un premier temps de partager sa péniche en une salle de concert et un lieu d’habitation pour sa famille : « L’idée de Jean-Marie Fraysse, créateur du projet, mais aussi de projets, était de conjuguer depuis le début, l’événement avec l’itinérance sur le canal du Midi, la volonté étant de faire naviguer aussi les idées, les cultures. Le festival démarre l’année où le canal est classé au patrimoine de l’Unesco. Notre activité a pris très tôt en compte cet environnement protégé. Utilisé un espace public fragile nous a amené à mettre en avant la question écologique dans l’organisation des événements. C’est dans notre ADN et nous agissons à différents niveaux pour cela avant, pendant et après les concerts.»
« …l’ambition est sociale avec l’idée de relier différents publics »
Si Convivencia, dont le nom signifie en espagnol “vivre ensemble“, faisant référence à une période de coexistence pacifique entre les religions, creuse depuis toujours le même sillon artistique à la rencontre des traditions culturelles et musicales étrangères et françaises, le festival est devenu un temps fort parmi l’ensemble des propositions de l’association : « Notre programmation de concerts gratuits est à l’année, l’offre est co-construite avec une centaine de partenaires locaux, dont les structures de jeunesses, les acteurs du tourisme, les maisons de retraite… C’est devenu un projet de territoire qui se fait au plus proche des habitants avec les collectivités locales qui achètent le spectacle, participant ainsi à la valorisation du territoire, en le faisant mieux connaître. On a proposé dernièrement un concert aux Cales de Radoub où sont réparés les bateaux. Fermées habituellement au public, le concert organisé en toute sécurité a permis de connaître un lieu, d’aller chercher un autre public peut-être, de parler de l’activité économique… Notre travail n’est pas de proposer uniquement un concert, l’ambition est sociale avec l’idée de relier différents publics et de proposer une expérience où l’on va découvrir un concert sans tête d’affiche dans un espace différent, transformé, qui amènera certains vers l’émerveillement…» raconte avec enthousiasme notre interlocutrice aux manettes depuis 19 ans.
« …Nous devons favoriser la rencontre humaine… »
Dans l’esprit de rassembler, l’association favorise également les rencontres entre les artistes et les spectateurs : ateliers de pratiques musicales collectives, parcours intergénérationnel… tout peut s’imaginer : « C’est un travail de fond, nous essayons de créer le lien. Bien sûr à travers nos résidences d’artistes mais pas seulement. Les artistes le demandent aussi. Nous devons favoriser la rencontre humaine chaque fois que cela est possible. »
Le fonctionnement de l’association dont les bureaux eux aussi sont itinérants, nécessite 4 salariés à temps complet. Lors du festival, il est fait appel à une vingtaine de personnes, et plus d’une centaine de bénévoles. Le modèle économique repose pour 80 % sur le financement public – État, DRAC, Europe, région, département, collectivités locales : « C’est logique quand on est une association d’intérêt général, d’utilité sociale, cela ne peut passer que par le soutien des financements publics qui sont conscients de notre savoir-faire, de son impact social, mais il va falloir se battre les prochaines années pour maintenir ces financements, c’est évident.»
Une envie d’embarquer l’été prochain ?
Le festival se déroulera du 28 juin au 22 juillet 2025. Alors n’oubliez pas de prendre connaissance du programme et des escales du festival. La tournée n’est jamais tout à fait la même, mais les incontournables restent : Ramonville, Toulouse et le port du Somail. Ce dernier lieu dans le Minervois, au charme bucolique, avec son pont, sa chapelle… mais aussi grâce à la présence d’une péniche épicerie et d’une librairie extraordinaire (le plus grand dépôt de livres anciens et d’occasion en Europe) aurait notre préférence.
Rappelons qu’autour des concerts, se dessinent des émissions radios, des dégustations, des balades découvertes “au bord de l'eau” estampillées Convivencia.
Crédit photo : 2022_peniche_montech(c)SBENSIZERARA
Les trois coups ! Selon Cécile Héraudeau
> Coup de chapeau : « A Jean-Marie Fraysse, le fondateur de ce festival dont l’idée a germé en 1990 et qui s’est sorti de l’aventure en 2012 et n’a pas voulu rester au conseil d’administration, désirant que le conseil suive son propre chemin et que les idées nouvelles puissent nourrir le projet, que d’autres horizons s’ouvrent. C’est très rare que le fondateur sache partir à un moment alors qu’il n’y a pas eu de clash, c’est aussi à saluer.»
> Coup de main : « On a toujours besoin de bénévoles à côté des professionnels… même si nous avons mieux communiqué en 2024 afin de donner envie de rejoindre l’équipage de Conviviencia, on a du mal depuis quelques années à mobiliser du monde comme dans de nombreux festival.»
> Coup de projecteur : « sur le programme de résidence artistique « Sawa Sawa », mené par l’institut français de Jérusalem, l’antenne de Gaza qui a souhaité répondre à la situation de crise du secteur culturel Palestinien pour relancer la création artistique qui est en ce moment au point mort. En 2025, une trentaine d’artistes seront accueillis entre trois et six mois dans des structures culturelles. Convivencia accueillera un musicien hip hop, qui travaillera sur sa création, collaborera avec des artistes locaux.»
En savoir plus : Convivencia : https://convivencia.eu