Cesson-Sévigné | 35

Les femmes agricultrices sont souvent absentes dans les formations professionnelles. À partir de ce constat, des groupes de paysannes vont se créer au sein du CIVAM* notamment. Par l’échange, le gain en compétence et en autonomie, il s’agit de donner vie à des comportements égalitaires et des prises de responsabilités partagées entre femmes et hommes.

Aujourd’hui, un quart des exploitations agricoles en France sont dirigées par des femmes (8% en 1970), et malgré leur montée en nombre, elles ne sont toujours pas   visibles dans le monde agricole.  La question à leur encontre : il est où le patron ? s’inscrit encore  dans le quotidien des agricultrices installées seules ou en association.

Déconstruire les stéréotypes
Pour déconstruire ces stéréotypes, des femmes paysannes s’organisent depuis quelques années. En Ille-et-Vilaine en 2016, l’Assemblée Générale  de l’association ADAGE* (regroupe  des éleveurs et éleveuses et représente le CIVAM sur le département) ,  met en avant l’absence de femmes  dans les formations,  mêlée à la volonté d’y remédier en s’adressant plus directement à elles. Un souhait qui  semblerait avoir été soufflé par les femmes des administrateurs. Quoi qu’il en soit les «  Elles » seront créées l’année suivante ; soit trois ans après la Loire-Atlantique,  le premier groupe à avoir ouvert la voie :  « S’il s’agissait  de créer un groupe de non-mixité, qui soit un lieu d’expression et de formation destinée uniquement aux femmes, on sent bien après quelques réunions,  le besoin de partager des vécus et d’amener de la réflexion sur le pourquoi et donc sur le  comment faire évoluer ce constat » souligne Anaïs Fourest, animatrice du groupe les « Elles » depuis l’origine.

Définir des axes de travail
En 2019, une enquête menée auprès des femmes adhérentes de  l’ADAGE (associées, exploitantes ou femmes de paysans…) met en évidence  les freins pour participer aux formations : discordance  entre l’activité des femmes à la ferme et les formations proposées ; le manque de légitimité pour s’inscrire ;  l’implication en matière technique du conjoint ou de l’associé masculin et enfin,  le manque de temps dû aux obligations familiales. « Cette enquête a bien sûr permis de définir quatre axes de  travail du groupe : la formation, les interventions dans les  établissements scolaires, la communication à avoir pour faire connaître les actions du groupe, mais aussi la réflexion avec la réalisation d’études sur le rôle des femmes, par exemple en matière de transition écologique».

Apporter les compétences non reçues initialement
Le monde agricole serait-il machiste ? : «  Pas plus que d’autres, mais c’est celui qui nous intéresse et pour lequel nous œuvrons pour faire changer les comportements. Lorsque vous faites un stage en formation initiale ou continue, dans les travaux proposés sur l’exploitation, la stagiaire ne se verra jamais confier par exemple la conduite du tracteur, ni les réparations…  ce qui fait qu’a formation égale, au final les connaissances ne sont pas les mêmes. Les formations mises en place par  « les Elles » viennent apporter ces compétences, et sont dispensées par des femmes, le plus souvent, elles-mêmes agricultrices afin d’éviter les remarques qui pourraient être déplacées, voire infantiles… ».

Faire naître d’autres façons d’exercer le métier
Bien sûr la non-mixité ne convient pas à tout le monde ; les critiques  émanant parfois de femmes ne voulant pas appartenir aux groupes « Tupperware » et n’ayant pas besoin de créer un réseau de copines disent-elles. Le groupe s’est posé la question,  mais les retours positifs sont bien là : « Certaines étaient frileuses,  mais par l’expérience qu’elles en ont faite, elles ont vite changé d’avis. Il existe une vraie dynamique de groupe, qui a permis de mettre  en place des formations en adéquation aux besoins des éleveuses,  de faire  naître d’autres façons d’exercer le métier en concevant notamment des outils plus adaptés pour la mise en place des clôtures… Le groupe a aussi  stimulé  l’entraide. On voit que l’envie de partager y est très forte »

La prise de conscience… un passage obligé
L’an dernier, à travers une mise en scène,  aidée pour cela par deux comédiennes,
les «  Elles » ont proposé de rendre compte lors de l’AG  de l’ADAGE (assemblée majoritairement masculine)  de ce qui continue à exister « en vrai » dans les fermes, à évoquer notamment les attributions attenantes au « Care » naturellement allouées aux femmes ;  «  La forme théâtrale permettait de rendre les  sujets plus légers. Les réactions ont été au rendez-vous et diverses. Certains disant - mais vous nous parlez de ce qui existait dans les années soixante- et d’autres remerciant de permettre cette prise de conscience. L’objectif étant bien évidemment celui-ci ».

Objectif : le  partage du pouvoir
Si le mot féminisme est de nos jours très peu utilisé dans le monde agricole, les actions  menées par des femmes en Ille-et-Vilaine et  ailleurs se multiplient. « L’idée n’est pas de prendre le pouvoir, mais d’apprendre à le partager. La  création des groupes non mixtes n’est pas une fin en soi mais un outil. La finalité est d’amener à  la prise de responsabilité des femmes et au  faire-ensemble.»  conclut Anaïs Fourest.

* Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural.
Sa mission : l’animation des associations et des groupes qui agissent localement pour mettre en valeur les potentiels de leur région, notamment les produits agricoles locaux
 

Les trois coups ! Selon Anaïs Fourest



> Coup de chapeau : « Aux paysannes, au sens large, visibles et invisibles, qui vivent  de leur métier , que ce soit un métier subi ou choisi, elles l’exercent souvent avec passion »

> Coup de main : « Celui que l’on aimerait donner à d’autres collectifs qui voudraient se constituer. On peut faire partager notre expérience même s’il existe une boîte à outils développée par le CIVAM 44 »

> Coup de projecteur : «  sans hésiter, à la BD - Il est où le patron ? -  coécrite et réalisée par Maud Bénézit et les  paysannes en polaire. C’est cruellement drôle… car on aimerait que cela n’existe pas. »


En savoir plus  : Les « Elles » de l’Adage 35 -    http://www.adage35.org/egalite-femmes-hommes-en-agriculture-les-elles-de-ladage/





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REDACTION

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