Ile de France, Provence-Alpes-Côte d’Azur…
Partant du constat que le médical ne peut pas tout pour des jeunes atteints de troubles psychiques, une association propose des marches itinérantes pour favoriser la remise en mouvement du corps et le lien social. Originalité du projet : il se construit à deux -le jeune et un proche- qui viendront constituer un petit groupe de marcheurs avec des accompagnants pour une randonnée de 6 jours.
Quand vous avez un enfant qui est concerné par les troubles psychiques, bien sûr suivi au niveau médical mais qui va mal, vous êtes démunis et vous êtes à 150 % auprès de lui, vous n’existez plus…». L’épreuve de soutien, de présence, d’oubli, Laurence Reckford l’a connu en tant que parent.
En 2019, elle part marcher 5 semaines sur le chemin de St Jacques pour reprendre son souffle, se rétablir en tant que parent, personne. Elle y trouve des sensations certes expliquer dans les livres mais qui, sous ses pas au quotidien, deviennent une révélation : la marche, le mouvement physique, les rencontres, l’influence de la nature sur le mental sont des alliés qui lui permettent de se relever à partir d’une expérience concrète.
Et, comment alors retrouver son pouvoir d’agir ?
Si le projet associatif n’est pas encore précis, le constat, lui, est bien là : Il met en avant une situation jusque là sans réponse pour les jeunes et leur famille : « le médical ne peut pas tout. A côté d’une prise en charge médicale, médicamenteuse, un suivi avec des psy… comment un jeune peut construire un projet ? Se réinsérer, revenir dans la vie quand la maladie psychique touche le jeune bien souvent en fin d’adolescence ou début de l’âge adulte. C’est un coup d’arrêt qui est posé et le temps médical n’est pas un temps social. Le médical est un temps très long, le temps social va plus vite et il faut le reconstruire … Et, comment alors retrouver son pouvoir d’agir ? C’est ce qui m’a guidé dans mon projet.
Le lien social au cœur du dispositif
A travers des rencontres, le projet mature avec l’évidence que celui-ci se bâtira autour de la marche et sera dissocié de la sphère médicale. Dans ce but, Laurence Reckford teste la formule auprès des familles et d’une association ayant des enfants atteints de troubles psychiques avec l’originalité de la proposer à partir d’un binôme – un jeune et un proche- : « Mettre le lien au cœur du dispositif était essentiel. Dans ses situations, on a besoin de restaurer le lien familial ou de le créer tout simplement. Et partir à deux avec un proche - sa mère, son père, sa soeur…- est plus facile.»
Un dispositif aujourd’hui bien rodé
En 2022, Laurence Reckford fonde l’association Colina s’appuyant sur une proposition d’un séjour de marche itinérante de six jours dans le but d’une remise en mouvement par le corps, le lien social et la nature – Trois ans plus tard, le concept est bien rodé. Il offre d’avril à septembre 6 séjours de marches en itinérance auprès de jeunes de 18 à 35 ans, ayant des troubles psychiques - squizophrènie, troubles borderline, bipolarité et dépression sévère…- Le groupe de marche comprend 12 personnes, soit 5 binômes et deux accompagnants bénévoles qui vont marcher à raison de 20 km par jour et effectueront ainsi un voyage de plus de 100 km.
« Ce n’est pas l’Everest mais on sort quand même les gens de leur zone de confort »
Les groupes sont constitués à partir du choix de destination du jeune et de la famille. Une réservation quelques mois auparavant est bien sûr indispensable. Elle est l’occasion de s’entretenir avec le jeune, la famille et de commencer à mettre en place le projet : « Nous demandons juste un certificat médical concernant l’aptitude physique du jeune, rien sur sa maladie. L’idée est de bâtir en famille le projet car parfois il est nécessaire de se préparer à cette épreuve physique. Il ne s’agit pas de se mettre en difficulté. Ce n’est pas l’Everest mais on sort quand même les gens de leur zone de confort, d’autant plus, si vous avez l’habitude de rester dans votre chambre. S’y préparer en faisant quelques balades au préalable permet également de construire le projet à deux.»
« La force de cette aventure est là… »
Avant le départ, une visio met en scène l’ensemble des protagonistes pour faire connaissance, faire tomber les quelques inquiétudes qui pourraient rester « On se voit, on discute. Naturellement, il y a avant et pendant une bienveillance qui se met en place, chacun sait les moments difficiles passés ou qui peuvent surgir. La force de cette aventure est là, il y a de la compréhension entre tous. Et on s’inscrit parce qu’on sait… » précise notre interlocutrice, présidente également de l’association.
Les accompagnants, des bénévoles concernés
Cette année, les séjours proposés se déroulent dans l’Aude, le Finistère, la Lozère et l’Aveyron. Ils sont organisés au niveau logistique (étapes, réservation gîtes…) par les accompagnants qui participent et encadrent la marche tout au long de la semaine : « Nous sommes une association, les accompagnants sont des bénévoles concernés de près ou de loin par le sujet. Ce sont des parents ou des jeunes rétablis… qui ont été formés au premier secours de la santé mentale. Souvent, ils sont issus du secteur médical ou paramédical, mais ils n’interviennent pas à ce titre-là pendant le séjour mais sont convaincus du projet ». Le tarif est de 80 € par participant et par nuitée ( 5 ou 6 suivant les séjours) ; il correspond à l’accompagnement par Colina, et à la demi-pension petit-déjeuner, dîner et nuitée- auquel il faut rajouter le pique-nique du midi et le montant du billet de train qui devra être multiplié par deux pour chaque famille : « On calcule au plus juste, grâce au fonctionnement du bénévolat, mais cela peut représenter parfois une somme difficile à sortir pour nos participants aussi on peut mettre en place des demandes d’aides.»
« … Ancrer l’expérience… travailler sur la prise de conscience de l’avant et de l’après »
Projet novateur, le modèle est aujourd’hui bien ancré, stabilisé sur une proposition d’une marche en moyenne par mois sur 7 mois : « On va avancer ainsi pendant quelques années, grandir doucement. L’aspect familial de l’association est apprécié et on va essayer de développer les marches à la journée, elles existent en région sous la même formule. Et puis, on prépare notre grand évènement qui aura lieu en octobre et qui va permettre à tous les marcheurs et marcheuses de se retrouver, de retrouver les liens, de rencontrer d’autres personnes. Il est important d’ancrer l’expérience, de travailler sur la prise de conscience de l’avant et de l’après. Nous avons un autre projet en réflexion qui a pour objet d’accompagner par le coaching les jeunes ou la famille à partir d’un projet défini, quel qu’il soit. Je suis convaincue, que nous sommes des êtres d’expériences et que nous avançons par projet» conclut la Présidente.
Les trois coups ! Selon Laurence Reckford
> Coup de chapeau : « Si je n’avais pas connu cette épreuve, je n’aurai pas eu l’idée ….mais sa réalisation tient à toute une équipe, sans les bénévoles tout cela n’existerait pas. Touchés de près ou de loin par ce problème, ils sont engagés et croient en ce projet. Nos premiers sponsors ont aussi été très importants.»
> Coup de main : « Ce serait du temps et de l’argent… (sourire) Si le sujet parle à ceux qui lisent l’article, quel que soit le lieu où ils sont en France, ils peuvent nous rejoindre.»
> Coup de projecteur : « Sur le GR 34 ! Le chemin des douaniers, exclusivement côtier, où je viens de randonner vers Quiberon. C’est magnifique. On est dans le bleu, le vent, la mer change tout le temps et voir un horizon… clarifie, nous remet droit.»
Association Colina : https://colina-asso.org